VENDEURS DIRECTS DES PIONNIERS SE LANCENT À L'EXPORT
Ils sont allés au loin dénicher des acheteurs, souvent par obligation, faute de débouchés en France. Voici des conseils et l'expérience de quelques aventuriers du commerce international.
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Trouver des débouchés, diversifier la clientèle pour assurer un volume de ventes..., ce sont les principales raisons pour lesquelles les agriculteurs que nous avons rencontrés se sont lancés à l'export. Vendeurs en direct de leurs produits, la plupart d'entre eux se seraient volontiers contentés du marché français, ce qui aurait été « plus facile et plus confortable », avouent-ils. Mais faute d'acheteurs, ils ont dû prospecter au-delà des frontières pour écouler leurs produits. Disposer d'un large éventail d'acheteurs est aussi une précaution : si le marché local sature et s'effondre, il y aura d'autres clients pour prendre le relais. C'est ce qui a décidé Philippe Martinon, producteur de piments d'Espelette sous AOC, à diversifier ses débouchés : « A 50 kilomètres autour de la zone de production, le marché est saturé. J'ai donc cherché des acheteurs en dehors du Pays basque et, depuis trois ans, 5 % de la production part en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. » Producteur d'huile de colza dans le Cher, au sein de la société VHV 18, Laurent Picq n'a eu d'autres choix que d'exporter : « En France, nous vendons à des maisons d'aliments et à l'industrie, mais ça reste marginal. Nous exportons notre huile dans une partie de l'Union européenne, notamment l'Allemagne et l'Italie, où un cadre législatif plus favorable aux biocarburants booste la demande. »
Exporter est devenu nécessaire pour ces deux exploitants. Mais est-ce pour autant le jackpot ? Nos témoins n'iront pas jusque-là. S'ils obtiennent un prix « sortie ferme » meilleur que sur le marché français, il compense souvent les frais de transport et le temps passé. Une bouteille de vin de gamme moyenne vendue 10 à 11 euros aux Etats-Unis n'est payée en réalité que 2,50 € HT départ cave, explique un viticulteur. C'est mieux que le prix du grossiste mais inférieur au prix payé par le particulier au magasin de l'exploitation. Quant à Philippe Martinon, l'exportateur de piments, « ma marge est supérieure d'environ 10 % quand je vends à l'étranger, calcule-t-il. Ça me paye les voyages aux Etats-Unis. »
Parce que les clients ne tombent pas du ciel, il faut aller à leur rencontre, les démarcher. Ce qui demande des qualités d'ouverture, le goût des rencontres et une aptitude aux langues étrangères. Ce contact humain est nécessaire et le consommateur étranger aimera voir le producteur.
Ceux qui sont moins polyglottes commenceront par prospecter dans les pays francophones. Les plus volontaires sont retournés sur les bancs de l'école pour apprendre une langue étrangère.
Présenter ses vins d'Anjou aux Américains ne pose pas de problème pour Hélène Matignon. Chaque année, elle ou son associé du Domaine Matignon part une semaine dans les grandes villes des Etats-Unis pour démarcher des importateurs. « En 2008, je suis partie seule prospecter des négociants à Chicago et à Washington. Mes rendez-vous étaient organisés par la société privée Wine 4 Trade, moyennant environ 2 500 euros. » Entre les voyages, les mailings et les salons, Hélène engage quelque 3 000 euros par an pour la promotion de ses produits à l'export. Alors, pour ne pas déraper, il faut se fixer un budget pour la prospection. « Les agriculteurs que nous suivons y consacrent en général 3 000 à 4 000 euros par an », constate Carole Diard, conseillère à la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire, qui forme chaque année entre cinq et dix agriculteurs pour vendre à l'export, en partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie (CCI). Se lancer à l'export est un investissement, mais il existe des subventions.
LES AIDES FINANCIÈRES
Plusieurs aides publiques prennent en charge tout ou partie des dépenses du développement à l'export (études de marché, voyages, salons, frais d'accueil des partenaires étrangers, etc.). L'aide financière Sidex d'Ubifrance est destinée aux très petites entreprises pour accompagner leur première mission de prospection sur un nouveau marché. Ubifrance est l'agence française pour le développement international des entreprises, partenaire incontournable d'une démarche export. Certaines régions ou départements octroyent des subventions pour les démarches dans des pays privilégiés (Prim'Export pour les Pays de la Loire, Neo/Stratex et Envol en Normandie, etc.). Il suffit de prendre contact avec ces institutions ou de retrouver le récapitulatif des aides pour son secteur sur le site Semaphore, l'outil des chambres de commerce et d'industrie. Il y a aussi Oséo (www.oseo.fr), qui propose des aides et des prêts aux entreprises pour l'innovation et l'exportation, comme le Prêt pour l'export (PPE).
AU MOINS UN AN DE DÉMARCHES
Comment s'y prendre ? Premier conseil : ne pas être pressé. C'est une démarche de longue haleine, qui demande au moins un an pour se mettre en place. Au début, elle génèrera surtout des coûts. Autant dire qu'exporter n'est pas la solution pour sauver une entreprise en difficulté. Il faut au contraire que l'entreprise ait une situation saine.
La première étape consiste à vérifier si le produit correspond aux goûts des consommateurs étrangers. Puis d'étudier la faisabilité et la rentabilité de l'exportation. Les organismes qui conseillent ne manquent pas. Ainsi, la chambre d'agriculture départementale (ou régionale) peut héberger des conseillers spécialisés ou un Comité de promotion. Ensuite, il faut contacter les conseillers internationaux de la chambre de commerce et d'industrie du département ou régionale (CCRI). Leur mission est d'informer et de conseiller dans les démarches d'exportation. Un premier rendez-vous, en général gratuit, permet d'exposer les motivations et le projet. La CCI pourra aider à la stratégie commerciale. Il est possible de suivre des formations en groupe, un bon moyen de profiter de l'expérience des collègues. Seul, il est difficile de devenir spécialiste des aspects réglementaires, juridiques ou encore des négociations commerciales. Le conseiller pourra faire l'intermédiaire avec des organismes spécialisés comme Ubifrance et les Missions économiques des ambassades. Outre la connaissance pointue de leurs juristes fiscalistes, ces organismes publics sont très au fait des habitudes locales, des interlocuteurs implantés à l'étranger et des opportunités de marchés. Ils disposent de fichiers (souvent payants) d'entreprises à démarcher ou d'importateurs.
Enfin, il faut se signaler à l'Aria de la région (Association régionale des industries alimentaires) pour connaître les animations et les échanges d'expériences organisées.
BIEN IDENTIFIER LES CIBLES
Pour être efficace, il s'agit de bien identifier la cible : est-ce que ce sont des particuliers, des restaurateurs de luxe , des importateurs négociants ? Le mode de communication sera adapté en conséquence. Les interprofessions organisent des actions collectives : voyages, salons dans des pays d'intérêts. Avant de s'inscrire, il faut vérifier que le salon correspond aux produits et est fréquenté par les cibles choisies. Et il faut être patient car deux à trois ans de salons sont nécessaires avant de ressentir les effets d'un retour de la clientèle. Apparaître dans un catalogue, créer des contacts avec des professionnels, le bouche à oreille... jouent aussi.
Certains ont profité d'une occasion dénichée par le réseau familial ou amical. C'est comme ça que Philippe Martinon, le producteur de piments, a commencé. Il a eu son premier contact aux Etats-Unis par des cousins installés là-bas. Jouant sur l'image du produit français et du signe de qualité AOC-AOP, il a convaincu un négociant qui alimente la haute restauration américaine. Depuis, Philippe a pris des cours d'anglais et est capable de tenir une conversation avec un acheteur. Grâce à ses responsabilités d'ancien président du syndicat des piments d'Espelette et sa participation chaque année au Sial à Paris, Philippe a acquis une notoriété. Son secret : n'avoir que des produits de qualité et proposer des prix raisonnables pour fidéliser la clientèle. « Il ne s'agit pas seulement de vendre, mais de vendre à nouveau », insiste-t-il. Nous touchons au nerf de la guerre : se faire payer !
Comment s'assurer de la solvabilité de l'acheteur quand on est à des milliers de kilomètres ? L'idéal est de se faire payer l'intégralité avant l'expédition, mais ce n'est pas toujours possible.
SE PROTÉGER DES RISQUES D'IMPAYÉS
« Quand un acheteur vous contacte, renseignez-vous sur lui, recommande Cyril Roch, conseiller à la CCI internationale des Pays de la Loire. Vérifiez la validité de son numéro de TVA, si elle est connue des services d'Ubifrance à l'étranger. Il existe des sociétés spécialisées en informations de notoriété et de solvabilité. » La banque, si elle a des succursales à l'étranger, peut aussi renseigner. « Pour limiter les risques, mettez en place des assurances contre les impayés, qui seront fonction du risque encouru pour votre société, du montant de la facture et des us et coutumes du pays », conseille Cyril Roch. Si la transaction est récurrente, il est possible de souscrire un contrat auprès d'une société d'assurance (Coface, Groupama...). Les banques proposent également des formules adaptées pour des expéditions ponctuelles : remise documentaire, crédit documentaire, lettre de crédit Stand By. Le coût comprend des frais de dossier fixes et des frais variables.
Depuis un an, la SCIC Capex regroupe les demandes de TPE pour accéder aux services de la Coface sans exiger de minimum de chiffre d'affaires ou de prime. Pour une expédition en Allemagne de 5 000 €, le coût sera de 19 € de frais de dossier et de 50 € pour une garantie de 90 % du montant des factures hors taxes.
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